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le temps des blés noirs
26 septembre 2013

TAXE FONCIERE POUR NEOPHYTES OU UN LONG MOMENT DE SOLITUDE

Comme tant d’entre nous, nous avons franchi le cap de la maturité, fondé une petite famille et innocemment cherché le nid douillet qui pourrait bien l’abriter.

Ce faisant nous sommes devenus aussi contribuables au titre de l’impôt foncier

Heureux propriétaire, vous étiez autrefois ce contribuable charmant et insouciant remarquant à peine l’avis d’imposition délivré à votre attention par l’administration fiscale en cette fin d’automne.

Certes mais ces temps heureux ont changé, les années passant votre imposition n’a cessé de gonfler comme une puissante vague destructrice, faisant de l’honnête citoyen, un contribuable angoissé en cette période automnale.

Et c’est ainsi que commence l’histoire…

A y regarder de plus près, en quoi consiste ce dû ?

Rappel : l’impôt pour quoi faire

L’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 affirme : «  Pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable ». Le même article pose le principe d’égale répartition « entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés »

L’article 14 de cette Déclaration dispose que les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants « la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée »

 

Nous voici donc rassurés, la taxe ainsi définie repose sur des principes d’objectivité et d’égale répartition entre les citoyens.

 

Dans le cas de la taxe foncière cependant, rien n’est moins sûr :

RAPPEL DES MODALITES DE CALCUL : TAXE= Valeur locative  par taux

1 – LE TAUX

Il y a d’abord votre petite maison, celle qui vous a plu, dans son petit quartier, dans sa petite ville, dans sa petite communauté de communes, dans son petit canton, et dans sa petite région.

D’année en année, les taux vont évoluer dans l’imprévisibilité la plus totale.

Parfois, la rue au dessus de chez vous contribue à un taux très inférieur au votre ou inversement.

C’est normal, une invisible frontière communale vous sépare de votre voisin.

Vos élus pourraient rectifier cette injustice manifeste mais chacun s’en garde, quand une élection est finie, une autre approche et le contribuable devient un client et le client est roi.

En ce qui concerne le taux d’imposition, le contribuable ne peut donc que se retourner vers le citoyen et espérer  avant de trop souvent désespérer que l’élu de son cœur assumera ses fonctions en bon père de famille soucieux du bien collectif et de la charge imposée à ses administrés.

 

Venons en maintenant à la valeur locative. Qu’est ce donc que la valeur locative ?

Simple, me direz- vous ! Cela correspond plus ou moins à la valeur à laquelle je pourrai louer mon bien sur le marché immobilier local.

Effectivement, cela semblerait assez raisonnable quoi que parfois difficile à évaluer tant le marché est fluctuant et subjectif.

2 – LA VALEUR LOCATIVE :

Naturellement, elle est constituée d’une surface et du taux qui lui est affecté

A Détermination de la surface :

A1 la surface de base

Rien de plus simple à première vue, muni d’un bon mètre vous êtes en mesure de la vérifier à tout moment en respectant bien les critères à prendre en compte, ceux de la loi Carrez par exemple, définissant de manière précise la surface habitable. Cette surface étant obligatoirement vérifiée par un spécialiste lors de toute transaction, elle figure désormais dans vos actes notariés ou sur vos plans de constructions.

Mais cette surface n’est pas retenue par votre administration préférée. Cette dernière ne se soucie pas de la surface habitable. Elle s’enquiert de la surface totale au sol, ce qui crée déjà un léger déséquilibre entre votre surface réellement habitable et votre surface taxable

Par exemple, vous vivez sous les toits ou vous vivez avec une hauteur de plafond de 3m, votre surface taxable est parfaitement identique même si votre surface habitable est elle réduite de 30%.

A2 1ere correction de l’Administration : le correctif d’importance

La surface réelle de votre local est corrigée en lui appliquant un coefficient appelé « correctif d’importance »

Application de l’article 324 O de l’annexe III du CGI

A partir de là nous voici projetés dans un univers kafkaïen, je vous propose donc de rester détendu mais concentré.

L’Administration distingue huit catégories de locaux d’habitation

De la une : somptueuse à la huitième délabrée. Entre les deux, toutes sortes de variantes très explicites

La troisième et quatrième ont belle apparence tandis que la cinquième, sixième et septième sont sans caractère particulier.

Autant de fantaisies administratives qui permettent de vous taxer avec la plus grande subjectivité qui soit (je vous fais grâce des critères de qualité de construction, distribution du local  etc…) qui peuvent vous faire basculer de manière quasi aléatoire du 6 au 5 ou du 4 au 3.

Prenons un cas à titre d’exemple : (cas au passage parfaitement réel et actuel)

Nous partons d’une petite chambre meublée en sous pente de 14 m2 (12 en loi Carrez)

Modestement classifié en 6, le coefficient retenu est cependant de 1.25

Nous obtenons : 14 x 1.25 = 17, 5 m2 arrondis à 17 m2

Ce coefficient impressionnant est en fait, le résultat de l’application d’une grille taxant de manière radicale les 20 premiers m2, puis de manière dégressive les suivants en fonction d’un barème dont je vous fais grâce. Les petits logements étant naturellement très impactés par ce dispositif !

A2 Seconde correction de l’Administration : le coefficient d’ensemble

Art 324 P, 324 Q, 324 R de l’annexe III du CGI

Composé du

Coefficient d’entretien  de 0.80 à 1.20

Correctif de situation générale de +0.10 à -0.10

Correctif de situation particulière de +0.10 à – 0.10

Correctif d’ascenseur de +0.05 à -0.05

De manière mécanique, votre nouveau coefficient peut osciller entre (1.20+0.10+0.10+0.05) soit 1.45 et (0.80-0.10-0.10-0.05) et 0.55

Je vous sens perplexe. Qui décide ? sur quelles bases ? Comment peut on contester ?Comment vérifier l’égalité de traitement avec vos voisins ?

Dans le cas ci-dessus notre chambre meublée se voit affectée d’un nouveau coefficient de 1.25

Justifié de manière évasive par un « bon état général »

Nous  reprenons notre surface 1 soit 17 m2 x1.25= 21 m2

A ce stade du calcul, votre surface taxable est déjà 1.56 fois votre surface de base

 

A3 3ème correction de l’Administration, les éléments de confort :

Vous voici dans une nouvelle dimension, celle des équivalences superficielles.

Art 324 T de l’annexe III du CGI

Une plongée dans les bas fonds, de Zola ou Victor Hugo, la France miséreuse du 19è siècle et d’un 20è siècle hésitant, chauffé au charbon ou au bois, avec les toilettes sur le palier ou dans le jardin, éclairée à la lampe à pétrole.

Eh oui, en 2013 bénéficier de l’eau courante ou de l’électricité est semble t’il un élément distinctif de confort qui vous vaut quelques équivalences superficielles

Eau courante : 4 m2,  Gaz : 2 m2, électricité 2 m2, WC particulier 3 m2 par élément, etc…chauffage central : 2 par nombre de pièces

Revenons donc à notre petite chambre sous les toits :

Elle est dotée d’un minimum de confort, en dessous duquel soit dit en passant vous ne seriez pas autorisé à l’habiter.

Voici, ci-dessous le décompte administratif

Eau   4m2

Electricité 2 m2

WC  3 m2

Douche 4 m2

Tout à l’égout 3 m2

Chauffage 4 m2

Votre logement se trouve cette fois majoré de 20 m2 supplémentaires

 

A4 LE TOTAL :

Parti d’une surface loi Carrez de 12m2, votre logement a atteint l’extraordinaire espace de 41 m2 taxable, ce qui vient de transformer votre petite chambrette en spacieux T2.

Soit 3.4 fois la surface initiale

Mes amis urbains apprécieront

 

B La valeur Locative :

La valeur de référence est datée de 1960 pour le non bâti et de 1970 pour le bâti

Ainsi selon le classement de votre local, chaque commune attribue un tarif au m2

 

Ce tarif base 1970 est donc ensuite actualisé une première fois pour la période 1980-1970

Un tarif différent pour chaque département

A partir de 1981, le coefficient est revalorisé tous les ans, et le taux est applicable partout en France

Soit valeur au m2 x coefficient département 1980-70x coefficient national 1981-201…

Revenons à notre petite chambre :

41 m2 x 4.27 = 175 euros revalorisés  175x 2.502 (coefficient de 81 à 2013)= 437 euros

Pour mémo 1.018 en 2013

Pour tout vous dire, le coefficient d’actualisation est lui aussi introuvable malgré les recherches et les appels auprès de mon centre des impôts favori.

 

Quelle aventure ! Il ne reste plus qu’à appliquer à ma valeur locative enfin découverte, le taux amoureusement concocté par nos diverses instances représentatives

Soit  437 par 48.49% ma petite chambre sous les toits dans ma toute petite ville coûte 212 euros de taxe foncière annuelle.

 

Heureux Propriétaire qui comme moi venez de faire un long et ennuyeux voyage fiscal, j’espère avoir suscité chez vous un intérêt nouveau pour cette étrange taxation dont la géométrie plus que variable est soumise aux humeurs et classements des uns et des autres.

 

Si comme moi, votre taxation a atteint des sommets vertigineux et que votre alternative est réagir ou réagir (mourir n’étant pas encore au programme), il vous faudra faire valoir vos arguments auprès de l’administration fiscale et ceci  avec beaucoup de ténacité et de pertinence car comme vous l’avez constaté, les classements pour le moins subjectifs laissent tout loisir à l’administration de vous renvoyer vers Mr /Mme le Maire et vice versa.

Merci à tous ceux qui auront tenu jusqu’à la fin  de cette éprouvante lecture.

 

 

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